Un monde de procrastination

Confiant ce soir pour aller acquérir un iPad 2, l’appareil n’étant sorti que vendredi soir, j’ai expérimenté moi-même la fameuse pénurie qui agite le Web ces derniers jours presque plus que le nuage radioactif japonais. Et non, ce n’est pas une légende Marketing créée de toutes pièces par la marque mais une réalité, bien réelle.

Partant du boulot avec l’objectif de ramener victorieusement l’appareil “magical”, “tremendous”, “dramatically thin” et passant devant une Fnac, je m’y suis arrêté.

Directement, je repère le stand Apple et en fin connaisseur de la marque, je passe l’instant “touchage de dalle” et me dirige, le pas sûr vers la caisse et demande à la vendeuse très jovialement “Bonjour, avez-vous l’iPad 2 ?” certain d’entendre un “oui monsieur, lequel voulez-vous ?” et là, elle me répond, d’un air dédaigneux voulant dire “pauvre fou” : “Hhhha mais non, y’en a plus monsieur !” et détourne le regard comme dégoûtée. Genre, j’ai osé demander d’acheter un iPad 2. Wahou, excuse-moi d’avoir demandé de t’acheter un truc à 600€, j’aurais pu juste te prendre une housse…

Repoussant en moi le Martin rebelle, enfant libre, je conserve mon masque de jeune homme poli et ne lui assène rien de méchant. Restant alors beau joueur et pensant arriver au bout de ma quête quel qu’en soit le coût (ouais…600€ quand même, on est d’accord…), je repars le pas léger vers la station de métro. Direction l’Apple Store Opera.

Le voyage se passe dans la chaleur car oui, il fait plus de 15° à Paris en ce moment et donc, le port de tout autre vêtement au dessus du T-Shirt dans le métro devient difficilement supportable.
Je vous passe d’ailleurs les odeurs. Certains oublient encore que le déo en société, c’est comme le suffrage universel, plus qu’un droit, c’est surtout un devoir. FYI, ça marche aussi avec le dentifrice, la lessive etc.
Je vous laisse appliquer cette règle à votre guise.

Revenons à nos moutons pommés, à nos tablettes tactiles, je sors donc du métro à la station Opéra et me fraye un passage jusqu’à l’Apple Store entre les parisiennes stylées et les touristes restylés et y entre tel un chevalier sur son cheval. “Victoire” me dis-je, apercevant les panneaux lumineux et tous les iPad 2 sur les tables. Là, le petit Martin dans ma tête claque ses mains en signe de victoire.

Sans prendre la peine là non plus de tester la bête, je me dirige vers un vendeur en bleu, (pléonasme) occupé à nettoyer avec son chiffon les écrans des modèles de démonstration (les préééécieeeuxxx) et lui demande, l’air moins affirmé qu’à la Fnac mais prêt à dégainer le clin d’oeil, l’air de dire, “il parait qu’il y a une pénurie mais bon, pas chez vous hein…hein ?”, “Il vous reste des iPad 2 ?”

Et là son regard de vendeur résigné qui a dû répéter ça 100 fois aujourd’hui me regarde et me lance telle une flèche dans le coeur “Non, plus du tout, vous pouvez en réserver ce soir dès 21h sur le site de l’Apple Store pour venir le retirer dès qu’il sera de nouveau disponible”

Quoi, la pénurie serait réelle ? Ce ne serait pas qu’une légende Marketing, créée par les génies du Marketing que sont les employés de Apple ? Pour moi dans ma tête, un Apple Store, c’était comme dans cet épisode de Futurama, tout était en situation de pénurie étudiée et préméditée…

Mais non, en fait, c’était réel. Dingue ! On en apprend tous les jours.

Sortant un peu battu de l’Apple Store, je renonce à faire le second et me dis que je vais changer de tactique et adapter mon jeu en allant chez Orange.

Et ouais me dis-je, prêt à faire de la bonne pub pour Orange, “la vie change avec Orange”, je rentre alors dans la boutique de la place de la Madeleine, bien content de moi.

Dès mon entrée, on m’accueille et on m’affirme qu’il reste des iPad 2. Enfin !
En plus de découvrir la belle et grande boutique de Madeleine, je vais ressortir avec le préééécieux objet. Là une grande joie s’installe en moi.

Puis vient l’attente. Avec 5 clients devant moi, je suis en queue de liste et  dans les boutiques de Télécom, tout le monde le sait, ça peut durer longtemps. J’étudie alors le comportement des employés à l’heure de la fermeture, tous pris dans des dossiers interminables, voyant l’heure tourner et les clients, dont moi, attendant.

Enfin arrive mon tour, je me lève du fauteuil en cuir dans lequel j’attendais depuis 30 minutes et me dirige vers le gentil vendeur et lui annonce ma commande : “un iPad 32Go Wifi”. (Avé l’accent s’il vous plaît, Yeah baby)

Il me répond alors que seuls les Wifi/3G sont disponibles en boutique Orange. “Et là c’est le drame !”
Ce qui est rare est cher mais bon, quand même quoi, 700€ du coup.

J’aime bien le produit, je veux l’acheter mais pas à n’importe quel prix.
Finalement, je repars broucouille, un peu déçu mais content d’avoir pu expérimenter la fameuse pénurie que je commençais à prendre pour une chimère.

Oui, la pénurie est là, tremblez, geeks, apple fans. On va tous mourir.
Ou pas…car en recherchant le précieux objet ce soir et en repensant à la vidéo des personnes attendant frénétiquement devant l’Apple Store vendredi soir, je n’ai pu m’empêcher de me dire qu’on vivait vraiment dans un drôle de monde.

On parle de pénurie et on fait des articles sur un objet de confort pour lequel le besoin a été créé de toutes pièces alors qu’au Japon en ce moment même ils ont de réels besoins et qu’ils font certainement la queue pour manger ou survivre.
D’ailleurs, on en fait presque plus sur la pénurie de composants électroniques allant empêcher les iPads d’arriver dans nos magasins que des japonais n’ayant, eux, plus rien du tout à acheter, ayant tout perdu.

Fort de cette remarque et de ce recul, je me suis dit que finalement, l’iPad attendrait encore.

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