J’ai débranché de Thierry Crouzet
martin | 5 février 2012 | 18:17Vous l’avez certainement aperçu en librairie ou peut-être avez-vous entendu son auteur, Thierry Crouzet en parler à la radio ou à la télé ces derniers temps.
Le livre “J’ai débranché” raconte les 6 mois de déconnexion volontaire de cet auteur et blogueur après une prise de conscience de son hyperactivité en ligne l’ayant mené à un séjour à l’hôpital après une crise d’angoisse, véritable déclencheur de sa prise de conscience.
Suite à cet épisode, il décide de lever le pied sur le Web, le blog, Twitter et de raccrocher de toutes ses activités en ligne le menant à un stress permanent tout en racontant son expérience.
Le livre qui est sous-titré “comment revivre sans internet après une overdose” est en quelque sorte un journal de thérapie, un journal de vie de ces 6 mois pendant lesquels, l’auteur redécouvre la vie de famille, les valeurs de la “vraie” vie, la vie réelle, loin des interactions en ligne certes intéressantes mais déphasées de la vie “vraie”.
Son expérience lui a fait prendre conscience de pas mal de choses sur lui-même, choses évidemment exportables à chacune et chacun d’entre nous comme par exemple, je cite que “la liberté politique n’a aucun sens si on ne gagne pas avant la liberté intérieure” et qu’il est donc important de se libérer intérieurement de toute entrave comme peuvent l’être les réseaux sociaux et le fait d’y être constamment attaché.
Le web comme modèle pour la politique
Au delà de l’expérience en elle-même, le livre aborde en effet un petit peu la politique, Crouzet étant un défenseur du “penser global, agir local” et convaincu, comme beaucoup d’acteurs du web je pense, l’étant moi-même, que le système politique actuel n’est plus efficace et qu’une autre grouvernance est possible à l’image de ce qui se fait sur le web, expliquant, je cite, que “si nous sommes tous irrationnels, nos représentants ne le sont pas moins que nous. En leur conférant le pouvoir, nous courons le risque d’amplifier leurs imperfections. Voilà pourquoi nous ne pouvons être gouvernés ni par eux ni par d’autres. Nous n’avons qu’une possibilité, gouverner tous ensemble pour que les forces des uns compensent les faiblesses des autres”
Il explique à la suite de cela que ce changement en cours avec les actions des indignés par exemple est compliqué à traiter pour les médias, le schéma habituel de l’action n’étant plus aussi clair pour eux : plus de chef désigné, pouvoir du groupe décentralisé et que donc la médiatisation de ces actions est très dure à comprendre et donc à traiter pour eux.
Un livre passionnant
A mes yeux, ce livre est intéressant à plusieurs niveaux. Tout d’abord pour ce qu’il évoque, l’hyperactivité en ligne, véritable fléau de notre époque à mes yeux. Etant moi-même hyperconnecté (et c’est peu de le dire…), j’avais l’impression de comprendre, pour la vivre constamment, l’introspection décrite par Thierry Crouzet sur son “addiction” passée.
De même, la quête de la reconnaissance, inhérente à chaque blogueur est un phénomène que je connais aussi très bien. En effet, pourquoi écrire si ce n’est pour partager, débattre, attendre les commentaires des lecteurs pour ensuite y répondre, débattre avec eux, revenir sur ses articles ? (les réactions sont malheureusement très souvent minimes pour ne pas dire inexistantes)
Thierry Crouzet décrit parfaitement cela et explique aussi que se déconnecter, c’est aussi se séparer de cette dose d’adrénaline de l’après publication d’un article, attendant les réponses, les retwitts, les débats et motivant toute personne écrivant en ligne, se désintoxiquer de cette “drogue”.
L’auteur en érudit du Web
Cet ouvrage est également passionnant car même s’il déconnecte, l’auteur en observateur expert du web exprime, avec son érudition impressionnante de recul sur Internet et son fonctionnement, l’avènement d’une nouvelle conscience collective qu’il qualifie d’“être réseau”, prolongement de notre propre conscience sur le Web au travers des autres, partageant nos idées, ces dernières grandissant du contact et des échanges avec les autres.
En véritable théoricien du net qu’il est, il fustige à l’inverse l’uniformisation de la présence en ligne avec les réseaux sociaux rappelant par comparaison que “la vie dans des barres HLM n’est pas la panacée”. Il prone plutôt le blog et les commentaires sur ces derniers comme échanges en lieu et place des échanges formattés et reclus dans des plateformes et interfaces fermées et contraintes telles que Facebook par exemple.
Malgré sa déconnexion, il propose d’ailleurs un classement pertinent des services Web en 3 catégories : les utilitaires (boutiques, annuaires..), les explorateurs (moteurs de recherche…), les communicateurs (réseaux sociaux, blogs, messageries instantanées..) expliquant que ce classement constitue l’échelle d’utilisation du web pour ne pas retomber dans la sur-utilisation (le troisième palier non maîtrisé) et les travers de l’avant déconnexion.
Un récit de la vie
Depuis son expérience, l’auteur a d’ailleurs bien réduit sa présence en ligne. On sent bien dans le livre au fur et à mesure qu’il souhaite diminuer le rythme.
Enfin, ce livre est également un joli récit de vie familiale où on découvre avec un humour et une ironie sympathiques la vie d’un geek comme on en voit de plus en plus. Là aussi, cela m’a ramené à moi-même. Via les descriptions de l’auteur, sa difficulté de trouver un ancrage dans les discussions physiques paraissant très pauvres en regard des discussions expertes et de leurs développements rapides en ligne, j’ai reconnu ma passion pour ces échanges d’experts en ligne.
Une lecture prise de conscience
Nul doute que je ne suis pas sorti indemne de cette lecture dont les interviews lues, les émissions écoutées et le débat auquel j’avais participé à la librairie “Le divan” m’avaient un peu préparé.
Le sujet m’a beaucoup ramené à mon cas personnel, évidemment, ce qui me connaissent comprendront…Clairement, j’ai conscience moi-même de ce qui est décrit dans ce livre et j’ai souvent réfléchi à débrancher également. Mais ne nous voilons pas la face, en travaillant dans l’industrie du net, comment arriver à faire ce que fait l’auteur ? C’est impossible. Lui-même le dit et avoue être un privilégié, pouvant se permettre de “couper” 6 mois là où la plupart d’entre nous ne peut se le permettre totalement, pouvant juste tenter de réduire un peu la dose.
J’ai adoré la lecture de ce livre car il est très bien écrit, il faut le reconnaître. On sent la culture poussée de Thierry Crouzet, le récit est parsemé de références littéraires ou artistiques. A côté de cela, il raconte les choses simplement sans avoir peur de se livrer, plein d’humilité sur lui-même.
Pour être tout à fait honnête avec vous, mon appréciation du livre est également dûe au fait que je respecte beaucoup l’auteur que je suis sur le Web depuis quelques années et avec qui j’ai déjà eu quelques interactions sur Twitter. A mes yeux, Thierry Crouzet fait partie de ces quelques personnes pertinentes sur le Web et que malheureusement, peu de décideurs écoutent.
J’ai eu la chance de lui faire dédicacer mon livre, ce qui n’a pas manqué de me ravir. Alors même que je lis beaucoup en numérique, un mot personnalisé sur une page d’un livre papier reste quand même à mes yeux d’amateur du papier quelque chose de spécial.
Vais-je changer ?
La question que je me pose (et que peut-être vous vous posez aussi) est “Vais-je changer ?” Honnêtement, je me pose de plus en plus souvent la question, ayant conscience de la bêtise de ce monde d’échanges certes passionnants mais un peu vains et souvent très frustrants en regard du monde physique n’attendant pas.
On verra…toujours est-il, ce livre ne m’a pas laissé indifférent. Je vous conseille fortement de le lire, ne serait-ce pour tenter de vous rendre compte de ce que les hyper-connectés vivent et ressentent mais aussi pour tenter de trouver des solutions si vous vous trouvez trop connectés.
Trés bon article.Si le livre est aussi bon que la
Manon | 5 février 2012 | 23:14Trés bon article.Si le livre est aussi bon que la critique,j’aimerai le lire prochainement.
:-) pas de souci, je l'ai laissé à disposition
Martin | 5 février 2012 | 23:54pas de souci, je l’ai laissé à disposition