Orange, SFR et Bouygues vont-ils encore laisser passer la poule aux œufs d’or avec le livre électronique ?
martin | 19 novembre 2009 | 0:49Après le marché de la musique, des applications pour mobile, les opérateurs télécoms vont-ils encore laisser passer la poule aux œufs d’or avec le livre électronique ?
Rappel du contexte
On l’a vu avec les sorties récentes de modèles de liseuses intéressantes et de plus en plus abordables, comme
le Cybook Opus,
testé récemment, le marché du livre électronique qui avait eu du mal à percer jusqu’ici semble enfin prendre forme. De nombreux fabricants sortent des modèles viables avec une très bonne autonomie, voir ailleurs sur le blog, les ouvrages commencent également de plus en plus souvent à être disponibles sous format électronique.
Les rumeurs sur la sortie de vraies tablettes orientées multimédia et lecture s’amplifient de plus en plus sur le net, qu’il s’agisse de Apple avec sa iTab ou iPad, ou de Microsoft avec son concept Courier. Archos permet désormais aussi la lecture sur ses tablettes tactiles Android. Bref, le marché commence à être mature.
Cependant, alors qu’ils auraient la possibilité de s’imposer comme acteurs majeurs, les opérateurs télécom mobiles restent pour le moment absents de cette course à la conquête du marché.
Est-ce pour mieux le conquérir le moment venu avec un appareil regroupant toutes les qualités des machines du marché sans leurs principaux défauts ?
La maîtrise de la chaîne d’achat comme facteur clé de succès
Pour acheter en ligne et offrir un confort de lecture optimale, l’acte d’achat se doit d’être automatisé et optimisé au maximum. On le voit parfaitement avec le succès de l’App Store d’Apple. L’automatisation de l’acte d’achat incite l’utilisateur et sert l’éditeur dans la vente de ses programmes. Sans bien se rendre compte qu’il achète et en délivrant l’utilisateur de toute barrière consommatrice, les applications Stores avec leur facturation intégrée permettent une libération de la consommation.
C’est là que l’accès au réseau, pierre angulaire et vache à lait des opérateurs prend à mes yeux tout son sens. Le contrôle de l’accès permet d’intégrer tous les éléments liés à l’achat, la fourniture de contenu et la facturation dans la même chaine, en la maîtrisant complètement.
Les opérateurs mobiles tentent d’ailleurs, un peu tard, de lancer leurs propres écosystèmes concurrents mais forcément sans l’intégration exemplaire de l’Iphone. Tous se retrouvent donc dépendants pour la diffusion de leurs applications de la firme à la pomme ou des autres sites de vente pour mobiles (Android Market notamment).
L’accès au réseau, point essentiel de toute diffusion de contenu
On l’a vu récemment avec l
e Kindle d’Amazon, l’accès au réseau reste un sujet sensible en Europe puisque le géant du livre n’a pas trouvé d’accord lui permettant d’utiliser un réseau 3G européen pour le téléchargement de livres depuis son reader.
Les utilisateurs se retrouvent donc à devoir passer par les serveurs US pour acheter Le Monde en version électronique, en dollars mais avec une copieuse majoration à chaque achat pour frais de roaming. Insensé.
On peut donc imaginer que les opérateurs français travaillent à de telles liseuses. Orange et SFR avaient d’ailleurs communiqué cette année sur leurs lecteurs maison. SFR avait même présenté le sien lors du salon du livre. Apparemment, les business modèles ne doivent pas encore être jugés viables. Leur sortie tarde, que se passe-t-il ?
La technologie est pourtant éprouvée, fiable, les ventes décollent.
Que font donc les opérateurs télécom ? Qu’attendent-ils pour se lancer sur ce marché en pleine croissance ?
Précision du propos avant de continuer
Attention, ne lisez pas ce que je n’ai pas écrit. L’argument de ce papier n’est pas de dire « tout le monde y va, en plus vous avez le réseau, allez-y ! » mais plutôt de poser la question « avec l’avantage du réseau et votre puissance économique (clients, image, relation avec les médias et groupes de presse), pourquoi n’y allez-vous pas ? »
Le marché semble mûr, la preuve en est que les géants Apple et Microsoft se préparent à y aller et que ça risque de faire très mal, alors Orange, SFR, Bouygues, foncez !
Comment percer et conquérir le marché pour les opérateurs ? La stratégie doit être construite sur plusieurs plans.
Celui du matériel
On le voit sur le marché des télécoms, le terminal est primordial pour vendre une offre.
Pour le marché du livre électronique, il en sera de même, la liseuse devra être intéressante c’est à dire bénéficier des fonctionnalités importantes : compatibilité multi-formats, connexion sans fil, écran de qualité avec interface tactile éventuellement.
Un plus serait d’avoir un élément différenciant ou à défaut d’écran tactile principal, un petit écran tactile secondaire en couleur rappelant les interfaces bien connues du type coveflow. Barnes&Nobles en a sorti un de la sorte récemment aux USA, le Nook, et les pré-commandes explosent.
Celui de l’offre
Le catalogue se devra de proposer toutes les nouveautés. Un travail avec les éditeurs sera nécessaire car sans possibilité d’avoir accès aux derniers best-sellers, il n’est pas envisageable que les utilisateurs investissent dans ce type d’appareils.
La presse devra également être accessible de manière gratuite comme elle l’est déjà en ligne, mais surtout payante. Alors que les groupes de presse se posent la question de leur survie et du modèle économique à appliquer,
on l’avait déjà abordé ici même, ce type de lecteur pourrait être une aubaine pour ce secteur en crise.
Imaginez un abonnement mensuel pour une somme modique permettant d’avoir accès quotidiennement à trois grands quotidiens et à un hebdomadaire par exemple. Tout serait reçu de manière automatique et sans fil sur le lecteur sans plus aucune action que celle d’allumer et de lire. Sans devoir passer par un reader d’ailleurs, pourquoi ne pas proposer un Book Store avec paiement à l’acte ou forfait en option des forfaits téléphoniques habituels ? Avec une présentation alléchante et une mise en avant bien faite, qui ne s’abonnerait pas ?
Celui de l’adaptation du contenu
On le sait, tout contenu n’est pas forcément adapté parfaitement à tous les écrans. Pour la diffusion d’articles sur les liseuses, il faudra que tous les articles, tous les textes et documents soient formatables à volonté pour que le plaisir de lire soit le même quel que soient l’article et l’appareil.
Plus profondément que sur la forme, le fond devra faire également preuve d’une interopérabilité totale. La question de la gestion des droits est primordiale, certes, mais un titre se devra d’être disponible pour tous les clients, peu importe son matériel.
Actuellement, c’est le format ePub qui semble prendre le dessus sur les autres. Cependant, il convient de proposer les titres dans tous les principaux formats.
Celui des conditions de l’accès à l’offre
Le point crucial à mes yeux. Ce point joue sur deux tableaux bien distincts, l’ergonomie et le prix. Voyons tout d’abord ce qui concerne l’ergonomie.
L’appareil de lecture se devra d’être pratique et très simple d’usage. Réactif et fiable, il ne faudra pas qu’il plante ou fournisse une expérience d’utilisation biaisée par un quelconque bug.
Sur ce point, un gros travail doit être fait car les clients les moins technophiles ne se laisseront jamais convaincre d’acheter un produit qui n’apporte pas exactement le même confort et la même simplicité de lecture qu’un équivalent papier.
L’acte d’achat se devra d’être le plus transparent possible. Une étape pour acheter, télécharger et stocker le document. Pas d’authentification ni de validation intempestive, l’acte d’achat doit être le plus proche possible de celui d’un livre papier traditionnel.
Celui du prix maintenant. Les personnes sondées dans les études sur le livre électronique sont toutes d’accord sur un point. Le livre électronique se doit d’être vendu bien moins cher que son équivalent papier, au minimum 30% moins cher.
Il n’est d’ailleurs pas concevable actuellement qu’un livre soit vendu au même prix en version électronique qu’en version papier,
nous l’avions d’ailleurs abordé auparavant.
Il faut donc prévoir des tarifs attractifs. On peut également imaginer de bundler des ouvrages. 20€ pour l’ensemble des ouvrages Harry Potter.
Attention néanmoins à ne pas tuer le produit. On se rappelle comme les compilations et les remasterisations CD ont tué la musique en tant que produit et incité au piratage, ces pratiques commerciales ayant complètement dénaturé la musique comme œuvre et art au profit d’un vulgaire consommable jetable.
Pour la presse, les lecteurs d’ebooks pourraient être un véritable plan de relance.
Un abonnement mensuel compris entre 5 et 20€, à évaluer selon l’offre, permettraient d’avoir accès à une sélection de quotidiens et d’hebdomadaires.
Ces tarifs avantageux et l’ergonomie permettront de relancer les secteurs de la presse et de l’édition.
Quant au tarif de la liseuse en tant que telle. Deux possibilités. Achat avec participation de l’opérateur ou achat libre.
Selon le mode choisi, un avoir dans la librairie en ligne ou une réduction permanente sur les forfaits ou abonnements pourrait être appliqués.
Un troisième business plan pourrait d’ailleurs être également étudié mais j’ai peur de le proposer tant les opérateurs ont tendance à en abuser, il s’agit de celui de la publicité comme source de revenus.
On pourrait en effet imaginer introduire des publicités contextuelles ou non, thématisées selon les affinités de l’utilisateur.
Vues et parcourues, elles pourraient alléger la note ou même payer complètement les articles. Metro, 20 minutes et autres ont ouvert la voie à la gratuité ; sans le prix du papier, pourquoi ne pas imaginer faire pareil sur le livre électronique.
Perspectives
Vous le voyez à la lecture de ce papier. Le marché du livre semble être à l’orée d’une véritable révolution et d’une opportunité majeure.
La relance pourrait clairement venir des opérateurs télécom. A condition de ne pas faire d’erreurs, ils semblent en avoir les moyens mais en ont-ils l’envie ?
Vont-ils se lancer ou encore une fois se laisser dépasser et offrir à leurs concurrents américains la jouissance du marché des livres et de la presse ?
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