Un monde de procrastination

Quatrième partie de l’étude de l’influence de Google sur nos cerveaux et sur notre façon de raisonner et d’utiliser l’outil Internet.

Après les trois premières parties finalement très introductives et contextuelles, passons aujourd’hui dans le vif du sujet en abordant l’un des points de la problématique : En quoi Google modifie notre façon de penser, de lire même ?

En quoi le modèle de présentation du moteur de recherche américain nous a-t-il tous un peu modifiés au fil du temps ?

Changement de façon de lire / penser

Tous ces exemples montrent à quel point un modèle, devenu le référentiel de la recherche, a fortement formaté notre façon de concevoir notre utilisation d’Internet. Mais là où cela va plus loin est que tout cela ne semble être que la partie visible de l’iceberg Google, la partie immergée n’étant guère plus reluisante…

Parlez en effet avec des personnes jeunes, passant leur temps à surfer sur Internet et vous constaterez beaucoup de points communs dans leurs déclarations.

Toutes constatent une baisse de leur attention lors de la lecture. Une impossibilité chronique à aller plus loin que le bout de paragraphe affiché sur l’écran. La faute au modèle de texte des sites Web, des “smart previews” des listes de résultats de Google, résumés de ce que le site contient et affichés sur deux ou trois lignes dans les listes de résultats du moteur de recherche.

La faute aux blogs également et à leurs résumés en quelques lignes. Peu de personnes lisent réellement les articles.

La presse écrite commence aussi à se mettre à ce style souvent télégraphique en proposant des news en quelques lignes. Les habitués de Google et de ses fils du Web dit “2.0″ ne veulent plus de détail. L’important est de savoir, pas de savoir comment ni pourquoi.

Le succès des quotidiens gratuits, outre leur gratuité, est en grande partie causé par la longueur très limitée des articles et par l’absence d’analyse en profondeur. Plus c’est résumé et plus tapageur est le titre, mieux c’est.

Il en est de même pour la presse People. On ne cherche plus à comprendre ni à savoir mais à simplement se tenir informé de ce qui se dit, sans réellement l’interpréter. On gobe, on avale ce qu’on pense être des informations.

Il n’y a qu’à se brancher sur une chaîne de télévision d’information continue type LCI, BFM ou I-Télé. Vous constaterez que même l’info, au sens noble du terme, s’est mise à la sauce de l’instantané, a copié le modèle du Web.

Désormais, défilent en bas de l’écran les infos “chaudes” et les points marquants de l’actualité, chaque titre n’étant détaillé que par quelques mots.

Tout ceci amène pourtant d’autres problèmes et Internet n’est là finalement que pour catalyser cette déviance, une difficulté chronique à se concentrer pour les personnes trop accrochées à ces modèles de présentation.

Avant, on apprenait à lire, à faire des synthèses de documents ou de livres. On savait donc lire, interpréter, comprendre, synthétiser.

Maintenant, on survole les articles à l’aide des lettrines, on lit l’entête, l’abstract, résumé de quelques lignes, on pose les yeux quelques secondes sur les visuels et on passe à autre chose pensant avoir tout saisi alors qu’on n’a pas souvent tout compris mais simplement retenu ce que l’auteur de l’article a voulu nous faire retenir. Une sorte de filtre passe-bas du contenu. Un condensé moyenné du contenu. Un erzatzt de pas grand chose en somme.

Que reste-t-il après la lecture d’un condensé d’information gratuit comme ceux distribués le matin aux abords du métro ?

Plus proches de nous, combien de mes lecteurs m’auront lu jusque ici, parcourant les 4 articles en entier, en essayant de voir où je voulais vraiment en venir ?

Mon lectorat fidèle n’est peut-être pas non plus complètement dans le milieu de la gaussienne des internautes mais peu d’entre vous auront vraiment tout lu, c’est une certitude.

Moi le premier, qui suis en train d’écrire ces lignes, j’ai tendance à survoler, par souci de rapidité, les articles. Je sélectionne bien souvent à l’accroche ou titre les articles que je veux lire. Je filtre et passe ensuite plus de temps sur ce qui a vraiment retenu mon attention.

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