Le livre électronique a un prix….
martin | 2 novembre 2008 | 1:18…le même que le livre papier, le prix du support en plus mais le support en moins !
Le teaser est un peu violent mais vous allez voir que ce n’est pas tout à fait faux.
Féru de technologies, j’attendais beaucoup du livre électronique à base de E-Ink, encre électronique. Quoi de plus sympa en effet que d’avoir une multitude d’ouvrages dans un petit appareil compact, format A5, offrant un réel confort de lecture ?
Le Sony Reader m’a tout de suite semblé être la solution pour moi qui aime lire mais ne trouve pas pratique d’avoir à sortir, abîmer ses livres dans les sacs, les transports en commun et à les tenir de manière immobile au point de se retrouver l’hiver avec les mains gelées ou endolories. Cet appareil permet de lire sans tous ces soucis.
Je me suis vite renseigné. Tout semble génial. La technologie, l’autonomie, le format etc. Et le prix vous me direz ? 299€.
Je dirais que ça les vaut….pour l’appareil. Et pour l’appareil seulement car comme tout “support”, ce livre électronique va devoir être alimenté. Sans aller voir sur les sites de ventes d’ouvrages, j’imaginais le prix de vente des livres aux alentours de 5-10€ maximum.
En effet, quoi de plus normal de retrouver un livre, même récent à ce prix ? Pas de frais d’impression, ni d’illustration. Pas de frais logistique, de mise en rayon, de promotion à l’aide de dispositifs de PLV dans les magasins. Bref, j’imaginais qu’on passerait facilement des 15-20€ pour un ouvrage récemment sorti à un prix avoisinant les 5-10€ max et pour un poche déjà rentabilisé, j’aurais parié sur un prix de 5€ à plus ou moins quelques variations selon l’auteur par exemple.
Bref, j’avais imaginé mon budget lecture comme un imagine son budget essence avec sa voiture, ou encore son budget encre avec une imprimante. Un achat à un tarif élevé pour le bien de base, le support, puis de petits ajouts réguliers ou plus sporadiques à bas prix en fonction de la consommation.
Et bien quelle ne fut pas ma surprise de découvrir le prix des livres électroniques ! Sensiblement le même que leurs équivalents papier. Je trouve cela vraiment surprenant. Comment les éditeurs croient-ils pouvoir vendre des livres électroniques au prix des modèles papiers ?
Exemple sur le site de la fnac avec
le dernier Nothomb lu récemment en version papier :
-
15,11€ pour la version papier
-
14,3€ pour la version électronique
N’y aurait-il pas là comme un problème ? Si on calcule bêtement, à cette différence de prix-là et tout avantage autre (gain de place, praticité etc.) mis de côté, combien de livres électroniques faudra-t-il acheter pour rentabilsier l’engin ?
Le calcul est vite fait. Avec 81 centimes d’écart, 369 livres !! (299 / 0,81). A raison de 1 livre toutes les deux semaines ce qui est mon cas en ce moment (et je suis en phase de boulimie littéraire me concernant), il me faudrait alors 14 ans (369 livres / 26 lectures max par an) pour m’y retrouver !!
Mais calculs sont purement cartésiens et ne tiennent pas compte évidemment de la valeur ajoutée. Mais j’ai sciemment voulu pousser le raisonnement loin pour pointer du doigt l’aberration du modèle économique. Cela me semble délirant.
Je sais qu’à titre personnel, tant que la différence de prix sera aussi minime, jamais je n’investirai dans un tel engin. Pourtant, l’envie et le besoin sont là mais j’ai vraiment l’impression d’être pris pour un con.
Pourquoi faire payer aussi cher une oeuvre numérique uniquement, impossible à imprimer, stabiloter ou encore prêter à des amis (on peut en réalité partager 6 fois chaque livre…mais qui n’a jamais prêté un livre à des amis qui l’ont ensuite prêté….? Ici c’est impossible de “prêter” au delà du rang n+1)
En y réfléchissant, cela me rappelle un certain débat avec la musique. En effet, les albums sont vendus à prix quasi identique en CD (son numérique, pochette photo, goddies etc.) qu’en version MP3 (basse qualité de son, support volatile et soumis aux risques de pertes de données, support DRM strict, impossibilité de copier sur un autre ordinateur ou baladeur etc.). Bref, c’était une parenthèse mais les problèmes semblent identiques…
Toujours est-il qu’à ce tarif-là, je crois que le papier va continuer d’orner fièrement le sol de ma chambre et les étagères de mon salon !
Qui a parlé de révolution numérique ?
Les éditeurs ne sont pas prêts à laisser se démocratiser
Emmanuel | 2 novembre 2008 | 15:11Les éditeurs ne sont pas prêts à laisser se démocratiser le livre électronique. En proposant les ouvrages en version électronique au même prix que ceux en version papier, les éditeurs condamnent les devices à une diffusion confidentielle auprès de quelques geeks. Ils prennent aussi au passage une marge énorme sur les ouvrages vendus, l’équivalent des coûts d’impression et de logistique.
Déjà en 2000, le e-book de Thomson, engin assez rustique mais c’était le premier du genre, avait fait un bide (50 000 ventes worldwide).
Il est fort probable qu’il en sera de même pour tous les derniers devices, puisque le contexte économique n’a pas changé.
Je ne sais pas ce que ça vaut, mais il
Damien | 3 novembre 2008 | 0:36Je ne sais pas ce que ça vaut, mais il existe des livres électroniques libres de droits, donc gratuits.
Exemple ici : http://www.ebooksgratuits.com
Je ne m’étais jamais renseigné sur le prix des livres électroniques, mais je m’attendais à un prix bien plus faible que celui que tu nous donnes Martin.
Par contre pour les DRM ça finira par devenir comme la musique : très peu de plate-forme de téléchargement poursuivent l’aventure des DRM.
[...] en version électronique un journal au même prix que
Un monde de procrastination » Presse en ligne - Quel modèle économique ? | 26 avril 2009 | 17:24[...] en version électronique un journal au même prix que dans sa version papier ? Cela me semble être le même souci que pour les e-books. Cela risque de ne jamais percer. Alors qu’avec un prix limité, le nombre de ventes serait [...]
[...] qu’un livre soit vendu au même prix en version
Un monde de procrastination » Orange, SFR et Bouygues vont-ils encore laisser passer la poule aux œufs d’or avec le livre électronique ? | 19 novembre 2009 | 0:52[...] qu’un livre soit vendu au même prix en version électronique qu’en version papier, nous l’avions d’ailleurs abordé auparavant. Il faut donc prévoir des tarifs attractifs. On peut également imaginer de bundler des ouvrages. [...]
Il me semble que tu confonds 2 choses ici, Martin
Olivier Descout | 6 décembre 2009 | 10:44Il me semble que tu confonds 2 choses ici, Martin : le coût de production et le prix de vente. Sur les échelles de temps qui nous intéressent ici, il n’y a aucune raison pour que les deux soient identiques ou même proches. Certes, dans le système économique qui est le nôtre, ils ont tendance à se rapprocher, lorsqu’on est en situation de concurrence économique non faussée et qu’on se place sur des échelles de temps longues. Mais ce rapprochement n’est pas systématique. Et il ne l’est jamais quand le secteur économique n’est pas vraiment soumis à une concurrence économique non faussée, comme c’est le cas dans le secteur du livre.
Je vais illustrer mon propos avec 2 exemples économiques qui n’ont rien à voir avec le livre :
* Imagine que tu veuilles acheter une voiture. Tu vas voir ton concessionnaire favori, mettons pour l’exemple Renault, qui te propose une Clio à 11 960 € TTC. Elle te convient, mais tu décides de ne pas la prendre pas aujourd’hui. Le lendemain, tu te repointes chez le même concessionnaire pour acheter une voiture, mais pour le compte de ton entreprise, cette fois : tu vas acheter un « véhicule d’entreprise ». Tu sais que ces véhicules-là sont payés hors taxe et non TTC. Donc tu te dis : je vais prendre la Clio que le vendeur m’a présentée hier, et elle coûtera 11 960 € moins la TVA à 19,6%, soit 10 000 € tout rond. Et là, le vendeur te propose bien la Clio de la veille, avec les sièges arrières en moins (véhicule d’entreprise oblige), mais au tarif de… 11 960 € HT ! Très exactement le prix de la veille, mais marqué hors taxe cette fois ! Comment c’est possible ?!? C’est pourtant la même voiture !
* Il n’y a encore pas si longtemps, il y avait 2 taux de TVA différents dans le secteur de la restauration : à emporter, la nourriture se voyait appliquer un taux de 5,5% ; sur place, la même nourriture était taxée à 19,6%. Quand on achetait pour 6 € de nourriture chez McDo, par exemple, pour la manger sur place, on payait la nourriture 5,02 € HT environ, et le reste sous forme de TVA. Mais si l’on la prenait la même nourriture à emporter, on ne la payait pas 5,30 € TTC (5,02 € HT + les 5,5% de TVA), mais bien 6 € TTC. Autrement dit, le seul fait de la prendre « à emporter » faisait passer le prix de cette nourriture de 5,02 € HT à 5,69 € HT. Comment c’est possible ?!? C’est pourtant exactement la même nourriture !
La raison est que le prix de vente correspond à un prix de marché, qui n’a rien à voir avec le coût de production. Pour en revenir au livre, si tous les éditeurs s’accordent, de manière implicite (c’est-à-dire qu’ils n’ont pas besoin pour cela de se mettre explicitement d’accord : chacun fait juste le même raisonnement dans son coin) pour que le prix du livre numérique soit légèrement inférieur au prix du livre papier, alors le prix de marché, donc le prix de vente, sera celui-là.
Je vais donner encore un autre exemple : les téléviseurs de très grande taille. Lorsque les premiers écrans plasmas sont apparus il n’y a pas si longtemps, tout le monde les trouvait magnifiques. La Fnac pouvait faire trôner une belle dalle 50 pouces à l’entrée de chacun de ses magasins, et il y avait toujours du monde pour l’admirer. Son prix ? 120 000 € (oui, oui, tu as bien lu : cent vingt mille euros.) Plusieurs marques ont sorti un modèle d’écran plasma, et à chaque fois il était proposé à ce niveau de prix-là. Bref, c’était le prix du marché à ce moment-là.
Est-ce que pour autant, le prix de ce type de produits est durablement resté à ce niveau-là ? Il me semble que non . Pourquoi, alors, n’avoir pas proposé un prix plus « raisonnable » dès le départ ? Réponse : parce que même à ce niveau de prix, il y a des gens qui achèteront, parce qu’ils sont suffisamment geeks pour acheter quel que soit le niveau de prix, même lorsqu’il est délirant. Proposer dès le départ un prix « raisonnable » quand on est le vendeur, c’est se priver de cette manne d’argent-là, qui, mine de rien, est considérable. Les éditeurs ne font qu’appliquer cette réalité-là. Et cela a aussi deux autres avantages, que l’expérience confirme : 1) tous les acheteurs potentiels qui trouvent aujourd’hui le produit « livre électronique » trop cher, mais qui bavent malgré tout devant, seront plus nombreux à se jeter dessus lorsque le prix de ce produit baissera, que s’il avait été proposé dès le départ à un prix plus « raisonnable ». 2) De plus, le niveau de ce qui est un prix « raisonnable » aura changé entre temps. A force de baver sans acheter parce que c’est un peu trop cher, ces acheteurs auront fait monter ce qu’ils considèrent être un prix « raisonnable » (c’est un mécanisme psychologique que les anglo-saxons appellent « baseline shifting ») : dans un an ou deux, ils seront prêts à acheter 8 ou 9 € un produit qu’aujourd’hui, ils ne seraient prêts à payer que 5 ou 6 €.
Merci de ton commentaire très bien construit. Tu as entièrement raison
Martin | 6 décembre 2009 | 13:02Merci de ton commentaire très bien construit.
Tu as entièrement raison malheureusement pour le consommateur fan de nouveautés que je suis :S
C’est super frustrant de se rendre compte de ce que tu expliques.
Cependant, avec un tel prix, ne penses-tu pas que les éditeurs français risquent de se faire dépassés par les géants notamment américains ?