Ce soir, j’ai regardé sous la couverture
martin | 4 octobre 2011 | 0:05Ce soir, en commençant 1Q84, le dernier Murakami, je me suis fait la réflexion que j’aimais par desssus tout lire un broché accompagné de sa couverture même si parfois la préhension du livre s’en trouve compliquée, la couverture glissant et faisant parfois perdre la page en cours.
Cette couverture, object markété, designé et étudié pour parfaire l’oeuvre ou mieux la vendre recouvre le livre ; cet appendice par lequel l’oeuvre est ainsi enjolivée, comme sobrement accompagnée par cette seconde peau colorée reprenant bien souvent les caractéristiques de la première de couverture. Couleur. Police. Agencement. Parfois non, la première de couverture de l’imprimé étant simplement blanche avec en noir ou en rouge le titre, le nom de l’auteur et celui de l’éditeur.
Lors de la lecture d’un roman, j’avais toujours ce rituel bizarre de ne pas regarder sous cette couverture. Surtout ne pas entraver la première idée que j’avais sur le livre en laissant mon regard et mon esprit divaguer sur la recherche graphique de cet enjoliveur.
Ce soir j’ai regardé. Sous la couverture, j’ai glissé mon regard et le charme s’est comme brisé. C’est tout bête, je ne le fais jamais mais un simple geste aperçu aujourd’hui je ne sais plus où m’a incité à bouger cette couverture habituellement sacrée. Dans les transports il me semble, une femme qui lisait s’est servie du rabat de la couverture de son broché pour garder sa page. Cela a aiguisé ma curiosité et fait voler en éclats l’état intouché de la couverture.
Ce soir, j’ai donc soulevé la couverture de mon Murakami et j’ai vu la première de couverture, celle du livre relié, celle que je n’aurais normalement jamais dûe voir.
Je pense que j’ai été déçu. Déçu par quoi ? me direz-vous, c’est un livre. Déçu par ce que j’ai vu, par ce que j’aurais certainement préféré ne jamais voir, déçu de n’avoir pas trouvé ce que j’imaginais ou simplement déçu d’avoir rompu le charme. Comme un enfant qui attend Noël et qui est déçu le jour de la fête tant attendue, non pas de ses cadeaux mais que la fête soit passée et que l’attente, l’inconnu, la magie soit passés.
C’est toujours plus ou moins la même histoire pour toutes les choses. On s’imagine parfois les choses sans les connaître, on les sublime et on se tient à ses croyances créées par soi pour se réconforter et s’imaginer un potentiel de bonheur. Cet état permet d’être ainsi en constante espérance.
Cela illustre le drame de notre société consumériste en quelque sorte, le bonheur ne s’acquiérant évidemment pas par la consommation, celle-ci ne faisant que perpétrer l’espoir de sa quête alors que c’est bel et bien en se détachant de l’espérance qu’on échappe à la déception, parce que nos reves nous séparent du bonheur dans le mouvement meme qui le suit (Comte-Sponville)
Je ne peux jamais m’empêcher de rapprocher mes constatations quotidiennes de l’humain. Cette anecdote littéraire m’a donc amené à tisser un lien logique et quasi-direct avec les rapports humains, le livre et sa couverture pouvant très bien représenter une personne et son image projetée, naturelle ou travaillée, son masque pourrait-on dire.
La couverture du livre est comme une sublimation d’un corps entier, d’un esprit dans son ensemble, avec un potentiel dont on ne connaît finalement pas grand chose avant d’avoir commencé à les découvrir. Exactement le même principe que la relation entre deux personnes intéressées l’une pour l’autre, quel que soit cet intérêt d’ailleurs, amical, professionnel ou même amoureux.
On imagine toujours les personnes sur ce qu’on en voit et ce qu’elles nous projettent, jusqu’à nous-mêmes les découvrir. Que se passe-t-il alors au moment de cette découverte et surtout vaut-il mieux le faire avec la couverture ou sans ?
A l’heure où j’écris ces lignes, je n’ai pas de réponse toute faite à ce questionnement. J’essaye de poser ce raisonnement sur les personnes que je cotoye au quotidien, celles avec qui je travaille ou même sur certaines avec qui j’aimerais d’autres relations que celles que j’entretiens aujourd’hui.
Malgré cela, je n’ai pas de réponse, j’ai l’impression qu’il y a une part de hasard auquel je ne veux pas me laisser aller, au risque d’être déçu là aussi. J’avance dans le brouillard, je suis dans le flou…
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