Bref, j’en peux plus de ce mot !
martin | 3 novembre 2011 | 23:24A la rentrée, Canal + a lancé sa mini-série Bref. Vous la connaissez tous, c’est parfois drôle, souvent cliché et très souvent assez bien trouvé. La série a connu une viralisation très forte grâce à Facebook. Plus d’un million de personnes en sont fans sur Facebook. Impressionnant.
Le problème avec ce genre d’effet de mode, c’est que tout le monde se met à reprendre les mots ou expressions de la série tout le temps, à tort ou à travers et qu’à la longue, ça en devient lourd. Au début ça va, on en rigole. Oui, forcément, tout le monde est dans le délire, c’est fun, ça passe. Le matin à la machine à café :
“Bref. j’ai regardé bref ! Oh oh, c’était trop bon
- Ah oui énorme, tu as vu quand il sort ça ?
- éééénorme
- ah ouais, génial
- ils sont forts quand même à Canal…”
Chacun y va de sa remarque expliquant ce qu’il était en train de faire à ce moment-là et même ce que cela lui a rappelé. La série se basant sur des choses du quotidien, c’est en effet assez facile de s’identifier au personnage et de rire des situations et donc indirectement de soi-même. Le partage de ces anecdotes mises en scène devient donc un thème fédérateur.
Sauf que comme tout effet de mode, il y a des travers. La série ayant comme leitmotiv la phrase d’introduction commençant toujours par “Bref.”, ce terme se retrouve exporté en dehors du contexte et amené partout ce qui en devient à la longue un peu aberrant et assez ennuyeux.
Comment clore une discussion poliment en réunion sans amener à chaque personne le sourire aux lèvres et amener alors involontairement une situation joviale quand on est dans le sérieux d’une situation de travail ? Avec le mot “bref”, désormais on ne peut plus sans que quelqu’un ne reprenne “bref, j’ai fait ceci…oh oh oh”
Avec la série, le mot bref a acquis une notoriété qui l’a dépourvu de son sens d’origine pour le faire passer dans la catégorie des mots parasites de conversation dignes des cases de “Bingo blah blah” rejoignant ces mots qui ne veulent rien dire mais que certaines personnes utilisent pour se donner un genre ou s’identifier à d’autres.
Parmi ces mots ou déformations de mots, inutiles mais pourtant beaucoup utilisés, on retrouve le “grosso merdo” qui remplace le “grosso modo” qui devait certainement être suranné pour qu’on veuille lui substituer cette version plus graveleuse toujours très classe. En réunion par exemple, entendre un de ses supérieurs hiérarchiques sortir un “Bon, grosso merdo, au niveau planning, on est bons” remet tout de suite le personnage à une position plus abordable si c’était nécessaire.
On peut également citer le “Merki !” (à prononcer avec une petite voix pour se conformer au sketch de Semoun, d’où sort ce mot) qui vient terminer beaucoup de phrases et infantilise la discussion. C’est marrant une fois ou deux mais assez pitoyable quand la personne l’utilise 10 fois par jour et va jusqu’à remercier comme ça au téléphone un client ou un fournisseur qu’elle vouvoie d’habitude.
Sur le podium de ces mots quasi lieux communs, de mon point de vue à la première place, on trouve également le “Au jour d’aujourd’hui” qui ne veut strictement rien dire ou plutôt si, qui veut dire 3 fois la même chose. Il est copieusement utilisé tout comme sa variante d’ailleurs, à peine plus légère “à aujourd’hui” qui doit certainement avoir pour vocation dans l’esprit de ses utilisateurs de montrer qu’on n’est pas cons au point d’utiliser “au jour d’aujourd’hui” et qu’on se différencie. Hé hé !
Toujours est-il, c’est tout aussi beauf.
On a enfin le “brut….de pomme” qui vient déformer des phrases pourtant très bien sans cela.
“Oui, donc là, tu vois, les chiffres sont très bruts…de pomme”
Je pense que je n’ai pas pu masquer un air dépité la première fois que j’ai entendu cela…la seconde fois j’étais atterré puis je baissais la tête, certains collègues riant car comprenant le pourquoi de mon attitude.
Ces parasites de la langue ne sont que des exemples et il y en a certainement d’autres que vous arriverez facilement à déceler en écoutant attentivement les conversations autour de vous.
Ce qui est gênant avec ces effets de mode de mots et leur utilisation hors contexte et dans toutes les situations, c’est qu’on perd alors le sens du mot et qu’on appauvrit le langage et les messages qu’on veut faire passer. Personnellement, cela me gêne. J’ai donc tendance à reprendre les gens mais à force, cela devient lassant. Parfois je ressens en moi une voix disant “Grrrrrr…” ou “Pfffff…”. De plus en plus même.
Notre langue est magnifique et pleine de nuances, ne devenons pas schtroumpfs en utilisant trop souvent un corpus limité. Bref (Grrrr !) devrait rester cet adverbe et plus ce mot fourre-tout utilisé à tout bout de champ.
Bref, (Grrrrr…) j’en peux plus de ce mot. Bref…(Pffff…)
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