Sortie de transports
martin | 5 juin 2008 | 23:31Un matin ce cette semaine en sortie de transports…
…La foule de gens pressés dont je fais partie, même si je ne suis que rarement pressé et ne cours pas pour attraper quoi que ce soit comme transport le matin, descend du Tram.
Le flux de personnes est impressionnant. Le genre de flux dont il ne faut pas remonter le courant à moins de se voir heurté, malmené sans retenue par les gens, le regard loin, entre sommeil encore présent et détachement par manque de motivation au moment de rejoindre leur lieu de travail, la foule avance, se dirige vers les passages piétons et progresse dans cette grande mécanique urbaine où chacun semble trouver sa place parfaitement sans même réfléchir.
Toutes ces personnes sont pour la plupart des actifs. Jeunes ou moins jeunes mais pas de personnes âgées, pas d’adolescents ni d’enfants non plus. Toutes plus ou moins habillées de la même manière. Peu parmi cette foule ne dénotent réellement.
Personne ne se regarde de toutes façons. La foule trace sa route comme un groupe d’oiseaux. Ecart constant entre les individus, réflexes affûtés, évitement du contact, des regards, mines blafardes et fermées, le tout encadré par les voitures, les scooters et les bus passant rapidement et dans un vacarme assourdissant.
Tout juste entend-on certains automobilistes impatients klaxonner de manière véhémente dans leurs véhicules.
En descendant du tram, je remarque sur le quai une silhouette incongrue parmi cette scène parfaitement scénarisée d’un matin parisien. Un homme est assis sur le banc. Un clochard. Il est avachi, il a de la peine à se tenir droit et a sa tête qui tombe entre ses cuisses. Son teint est rouge cramoisi et sa barbe sale et sauvage cache une grande partie de son visage usé et fatigué par la rue.
Il est là tel un animal blessé qui attendrait la mort sur le bord de la route. Il vomit passivement et ne semble même plus avoir la force de le faire dignement.
Cet homme semble étranger à la scène qui se joue sous ses yeux. Personne ne le regarde, personne ne semble le voir même. Ce moment semble anachronique tant il est surréaliste dans ce ballet de travailleurs, de véhicules et de klaxonneurs parfaitement huilé.
Je regarde autour de moi. Personne ne me remarque. Personne ne se remarque. Personne ne remarque cet homme par terre et la détresse qu’il dégage.
J’avance, laisse du regard ce pauvre homme à son triste sort. A l’arrêt au passage clouté, une pensée me vient à la vue de cette image persistante et terrible de cet homme vomissant sa dignité devant toute cette foule ne le voyant même pas : ça doit surement être ça la misère humaine….
…..le fait de ne plus voir l’autre comme un être humain, le fait de ne plus le voir du tout…