Chronique de la connerie habituelle
martin | 22 mai 2008 | 0:40J’ai assisté hier à une scène d’une rare beauté dans l’illustration de la difficulté des individus à communiquer entre eux. C’est un sujet qui me tient à coeur. Je m’en vais donc vous la conter.
Tram. Hier soir entre Porte d’Orléans et Porte de Versailles. Debout devant l’une des portes et appuyé nonchalamment sur un composteur Navigo qui a craqué sous mon poids et l’effet de l’accélération, le trajet se passe normalement jusqu’à ce que, écouteurs insérés dans les conduits auditifs, je remarque un changement dans les expressions faciales des personnes dans le Tram autour de moi.
“Damn !” me dis-je en moi-même. Qu’ai-je fait ou n’ai-je pas fait ? J’ai pourtant passé mon pass rfid devant le composteur et puis de toutes façons, ça ne peut être ça, tout le monde semble s’en foutre en temps normal…
Je prends le temps de vérifier que tout va bien chez moi. Je ne saigne pas, n’ai pas oublié un bouton à mon pantalon, personne ne tente de me voler. Je ne comprends pas. Je me retourne, l’air de rien ne me séparant pas de mon air froid et invariant, mon air de transport en commun. En réalité, les regards convergent tous vers 4 sièges situés juste devant moi maintenant que je me suis retourné.
Ce qui attire l’attention de toutes ces personnes se déroule là. Sur deux rangées de 2 fauteuils en vis à vis ; Un homme 65 ans, l’air normal et honnête vient de prendre place sur la seule place laissée libre par une femme, 35-40 ans, toute aussi honnête et normale que l’homme en apparence.
La femme tient une poussette placée entre les 4 sièges en diagonale. Poussette dans laquelle est assise une petite fille dont le faciès semble indiquer qu’elle est atteinte de trisomie 21. Son autre enfant, un garçon est assis à côté de cette dame que j’imagine être sa mère à ce moment-là.
Je me dis que ces personnes doivent être de la même famille et je ne comprends pas sur le moment leur différend.
Rapidement, je comprends que l’homme et la femme n’ont aucun lien de parenté et que la dame semble en vouloir à l’homme pour une raison qui est alors toujours obscure à mes oreilles baignées de Coldplay.
Je mets mon morceau en pause. La voix cristalline de Chris Martin s’arrête net. Je comprends alors que la dame reproche à l’homme d’être venu s’assoir en face d’elle et à proximité de ses enfants ! Attitude protectrice de la mère qui doit en avoir marre des railleries et regards curieux, de pitié ou encore moqueurs envers sa fille…
“Pauvre homme !”, me dis-je. Se faire conspuer car on vient de s’assoir, c’est fort ! Et ce n’était que le début de l’échange qui tourna rapidement au monologue tant la dame semblait hors d’elle-même, à bout et un peu instable. L’homme ne semblait pas porter attention à la dame ni à ses enfants. Il était simplement assis.
La femme reprocha successivement à l’homme d’être venu s’assoir en face d’elle, d’en vouloir à ses enfants car s’il était venu s’assoir là alors qu’il y avait d’autres places dans le tram, c’est que forcément ce dernier était soit pédophile, soit vicieux.(!!!) Au choix. Puis elle lui reprocha de ne pas avoir demandé pour s’installer devant elle.
L’homme tenta tant bien que mal de se justifier et de se défendre ce qui ne fit qu’empirer la situation car la dame reprenait tous ses “arguments” contre lui.
“Et d’abord, ne regardez pas mes enfants”, lança-t-elle en fermant la capote de la poussette.
Face à ce spectacle affligeant de bêtise et déplorable, j’étais coincé entre plusieurs états. J’étais prêt à intervenir car la dame semblait au bout du rouleau et aurait pu sauter à la gorge de l’homme que ça ne m’aurait pas plus surpris que cela.
Ensuite, j’étais vraiment choqué de ce qui se déroulait devant moi. Je me demandais comment on pouvait arriver à de tels raisonnements de tambours et arriver à imaginer qu’un homme puisse en vouloir à ses enfants sexuellement dans un tram bondé à l’heure de pointe. J’imaginais que cette femme devait être dans une détresse psychologique ou affective terrible pour imaginer de telles choses ou alors l’avait-elle vécue elle-même ?
Enfin, une partie de moi se marrait profondément face à ce cas de peur et de manque de communication à l’autre. C’était tellement improbable et pourtant vrai. Une montée en pression de cette dame telle qu’on ne pense en voir que dans les films !
Cela dura le temps de plusieurs arrêts. Tout le monde semblait accroché aux crochets verbaux de la dame et attendait les réponses de l’homme. A sa place, j’aurais vite changé de place plutôt que d’essayer de clamer mon bon droit face à une personne murée dans ses certitudes et sa paranoïa. L’homme finit par sortir du tram. Une délivrance pour lui. Une dame prit de ses nouvelles, l’ai inquiet sur le quai.
Au final, j’ai passé un bon moment. Un de ceux qui détendent à la sortie du travail et je me demande encore, tout état psychologique mis de côté qui était le pire, le plus à plaindre et le plus crétin des deux ?
La femme qui a juré toute seule pendant 5 minutes non stop ou l’homme qui a encaissé et s’est laissé insulter ?