Réflexion autour du Web mobile
martin | 6 avril 2009 | 23:29La semaine dernière a vu un des grands de l’Internet, Yahoo!, sortir une version mobile de son portail.
La mise en avant s’est surtout faite sur la version mobile sur Iphone au travers d’une application d’agrégation des services offerts par le portail Web.
Plusieurs autres acteurs portails, ou médias ont déjà franchi le pas de Web mobile ou sont en train de le faire. On assiste en effet depuis quelques temps à l’émergence d’un nouveau type de consommation du Web au travers du Web mobile : une sorte de Web parallèle au premier au fonctionnement simplifié et à l’accessibilité facilitée.
Est-ce que ce « nouveau Web » est un feu de paille porté par la déferlante des smartphones et de la mise en avant des usages Web sur le mobile (on pense à Youtube, Facebook par exemple), ou bien est-ce que cette encapsulation du Web va se pérenniser ?
Nous commencerons cette analyse par un état des lieux de l’Internet mobile. Viendra ensuite une description du Web via les applications mobiles. Enfin, nous nous pencherons sur le phénomène créé autour de cette nouvelle consommation du Web et poserons les bases d’une réflexion prospective.
Etat de l’internet mobile
L’internet mobile se démocratise grâce à une mise en avant de plus en plus forte des smartphones chez les opérateurs de télécommunication mobile, on pense principalement à l’Iphone qui représente à lui tout seul près de 33% du trafic Web mobile, 50% aux USA pour seulement 10,7% du marché des smartphones (source :
Techcrunch)
L’intégration régulière de data illimitée dans les forfaits est également une des raisons de cette évolution progression constante de l’Internet mobile.
Aussi, les opérateurs de télécommunications commencent à multiplier les offres 3g+ à destination des particuliers. Auparavant chers et bien souvent réservés à une clientèle professionnelle, ces forfaits commencent à pénétrer le marché des particuliers à l’aide de politiques tarifaires moins élitistes.
En parallèle de cet abaissement progressif des tarifs – beaucoup est encore à faire d’ailleurs- les opérateurs sortent maintenant de plus en plus d’appareils mobiles destinés au surf uniquement : les MID pour Mobile Internet Device.
L’exemple le plus relayé dans les médias ces derniers mois fut sans doute la tablette tactile Archos 5.
Au départ conçue pour n’être qu’un simple PMP, Portable Multimedia Player, mais en réalité, véritable ordinateur de poche, Archos a eu la bonne idée d’en proposer une version dotée d’une antenne 3G+ intégrée. SFR a commercialisé cette version.
Dans la même gamme de services mobiles, la filiale française de Vodafone a également proposé un autre MID plus proche d’un ordinateur de poche que d’un walkman vidéo et muni d’un véritable clavier coulissant, l’Aigo P8860.
Réservés au départ à une clientèle tant aisée qu’avisée, ces produits d’appels pour les offres data de l’opérateur ont permis petit à petit d’amener le public à prendre connaissance du Web mobile et se sont étendues à la plupart des offres.
l’Iphone, le libérateur de l’Internet mobile ?
Sans partir sur des produits aussi complets que ces derniers MID et PMP qui ne sont pas tout le temps des téléphones d’ailleurs, d’autres opérateurs ont choisi de proposer des smartphones au potentiel important. Le plus connu est certainement l’Iphone.
Largement diffusé grâce à sa très bonne ergonomie et à son écosystème attrayant, le téléphone de Apple a séduit 810 000 personnes en France chez Orange. Livré avec des forfaits bénéficiant de la data illimitée (limitée à 500Mo / mois sous peine d’un bridage possible en réalité) il a contribué largement au développement du Web mobile.
L’Iphone a en effet inséré l’usage de l’Internet mobile dans l’inconscient collectif et cela sous différentes formes.
Doté d’un très bon navigateur Web, Safari mobile, l’Iphone a surtout mis en avant le Web sous une forme plus édulcorée, moins brute, sous la forme d’applications. D’autres fabricants ont ensuite repris le même type de fonctionnement, on pense à RIM avec ses Blackberry.
Disponibles en ligne sur l’ App Store, site Apple de vente en ligne des applications Iphone, ces applications sont de petits programmes supplémentaires qu’on peut télécharger et installer en un clic, tantôt gratuitement, tantôt en payant une somme modique, quelques dizaines de centimes d’euros la plupart du temps. Elles ajoutent une fonctionnalité à l’appareil, facilitent l’accès à des paramétrages particuliers ou simplement agrègent des contenus.
La plupart des autres constructeurs ou opérateurs y viennent progressivement avec plus ou moins de réussite. RIM avec son Blackberry Application center par exemple, Google avec l’ Android Market ou encore Orange dernièrement avec son Application Shop.
C’est sur cette dernière possibilité que l’usage du Web mobile a fortement progressé. Alors même que l’ergonomie et la puissance du navigateur de l’Iphone permettent un usage quasi-normal du web, les internautes utilisent beaucoup les applications.
Un nouveau Web dans le sillage des Smartphones ?
Ainsi, ne voit-on pas avec l’essor du Web mobile la naissance d’une nouvelle sorte de Web, un Web encapsulé, enjolivé ?
En effet, au travers des applications d’actualité, l’internaute ne regarde en fait que du Web normal, sauf que ce dernier lui est présenté d’une manière différente. Il est mis en forme.
Mais est-ce encore du Web ?
Les applications web ne sont-elles pas du simple Wap++, la rapidité de connexion de la 3g en plus ?
J’ai tendance à penser que le courant actuel de démocratisation du Web mobile au travers d’applications n’est pas réellement du Web et je vois deux suites possibles à cet engouement.
Un produit d’appel pour le « vrai » Web
Cette sexisation du Web pour non avertis va amener le vrai Web à réellement percer sur le mobile et ainsi apporter ce que je considère comme du vrai Web mobile, c’est-à-dire du Web traditionnel sur supports mobiles.
Vue de ce point de vue, l’application mobile ne serait donc qu’un produit d’appel pour le Web mobile, dans le but de faire de l’audience. C’est d’ailleurs bien souvent le but avoué, les applications étant rapides et peu chères à développer, elles permettent d’attirer rapidement une audience nouvelle sur le site.
Mais si on vous offrait, comme ces applications, un super lecteur RSS sur votre ordinateur, avec tous les contenus des sites d’info en version complète, sans les pubs ou en plus faible quantité, depuis une même source, un client de messagerie ou un site d’agrégation de contenu, auriez-vous encore envie de parcourir une flopée de pages pour lire la même chose ?
Donc, pas sûr que ces applications laissent forcément la place un jour au Web traditionnel…
Un second Web, adapté du premier et fonctionnant en parallèle
La deuxième possibilité que je vois est un Web alternatif, édulcoré, adapté uniquement aux plateformes mobiles. On aura donc deux types de diffusion de contenus pour tous les contenus.
Il faudra alors imaginer un business plan pour ce nouveau Web, la publicité telle qu’en place sur le Web n’étant guère adaptée au mobile (bannières très intrusives par rapport à la taille de l’écran des terminaux mobiles).
Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? Je pense que oui.
Les consommateurs d’informations que sont les mobinautes vont de plus en plus avoir tendance à consommer en substitution de leur usage fixe habituel, les terminaux mobiles devenant très performants et pouvant aisément remplacer l’ordinateur pour la plupart des tâches de messagerie ou de navigation.
Yahoo!, comme d’autres avant lui, l’a bien compris. Offrir aux internautes cette application mobile est avant tout un levier d’audience, un moyen de fidéliser de l’audience ou de la reconquérir. Un moyen d’amener les internautes sur son portal. Un produit d’appel pour son portail comme nous l’avons évoqué plus haut.
Pâtissant comme beaucoup de portails Web d’une baisse d’audience et surtout d’une baisse de revenus, la crise ayant refroidi les investisseurs de publicité en ligne, l’américain se doit de conquérir de nouveaux internautes afin de renforcer ses revenus.
Au travers de cette application, il aura tout le loisir de fidéliser son audience en lui proposant toute sa gamme de services. Les mobinautes conquis auront alors toutes les chances de visiter ensuite le portail Yahoo! depuis leur ordinateur et de générer de l’audience, des pages vues et donc du revenu pour Yahoo!
Le Web mobile peut donc se positionner en soutien du Web traditionnel et encore plus en ce moment de crise qui voit une baisse importante du RPM sur Internet.
En cela, le Web mobile a surement encore de beaux jours devant lui, les publicitaires n’ayant pas encore tout fait sur les supports mobiles et les utilisateurs n’ayant pas encore tout découvert des grandes possibilités de l’internet sur terminaux mobiles.